To Gala: Il laitait une fois… 


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Un article de Lucile Poulain

La lumière s'éteint, et l'on entend traîner les chuchotis des spectateurs qui terminent leurs conversations, inattentifs. Sur la scène, une chaise, une femme, dont le visage éclairé par un projecteur exprime plus de mélancolie et de désarroi que Bruxelles sous la pluie. La salle se tait soudainement, elle ouvre la bouche. 
Irina, tchétchène, a suivi son mari en Grèce afin d'y élever leurs deux enfants. Lui est mort dans les bras de sa patrie d'origine, elle, erre encore dans les limbes clandestines de « ceux qui ne sont pas d'ici ».

Mais qu'adviendra-t-il de ses deux garçons ? Être un « vrai grec » à tout prix, voilà la seule chose que cette mère désemparée ambitionne pour sa progéniture. 
Antonis, l'aîné, est grand et fort. Plein d'assurance et de désinvolture, il est la grande fierté de sa mère. Il travaille, lui. Il a une fiancée grecque, lui. Et le cadet, Lefteris, semble être l'oisillon tombé du nid. Lefteris voit des mains blanches à travers la fenêtre de la maison, entend les voix de ceux qui veulent « l'attraper » et ne sourit que lorsqu'il écoute en boucle les morceaux de son chanteur préféré Kazantzidis, muni de sa petite radio. 
À sa naissance, Antonis a bu le lait au sein de sa mère, si bien qu'il n'en resta pas pour Lefteris lorsque ce dernier vit le jour : le ton est donné. 

La lumière disparaît à nouveau, et c'est dans un état de trouble immédiat qu'une mélodie aux accents russes se fait entendre, avant de voir apparaître Lefteris. 

Que dire, si ce n'est que l'histoire de cette famille brisée nous rappelle l'essence de la tragédie grecque, à travers une universalité et une intemporalité sans pareilles.
Que dire, si ce n'est que les dialogues, choisis avec minutie, ressemblent au chant des sirènes que l'on écoute avec une fascination morbide.
Les personnages, dont la symbolique réveille en nous les fantômes de l'antiquité, retournent le couteau dans une plaie béante que l'on ne sait nommer.
Chaque pas, chaque mot, chaque regard est une aiguille plantée dans nos coeurs brisés, qui restent là à admirer les aléas d'une humanité plus authentique que jamais. 
Des images nous viennent au fil des scènes : un sein putréfié, la gloire illusoire des hommes, la conquête d'une terre promise qui n'existe que dans les profondeurs de la poésie. 
Jésus transformait l'eau en vin, mais To Gala n'appartient à personne et n'est de nulle part. Élément venu d'ailleurs, il transforme le doux lait en poison qui ronge les sangs, une beauté macabre qui nous coupe le souffle.

To Gala, c'est la résurrection des Métamorphoses d'Ovide, des Misérables et de Requiem for a dream. C'est l'avènement d'une pastorale déchue mêlé à la poésie des contes urbains. C'est à la fois le berceau et le cercueil des âmes apatrides, enfermées dans le coffre des chefs d'oeuvre. 
On ne ressort pas indemne de To Gala. Si l'on pensait que la terre d'Olympe était en panne d'inspiration, c'est pour l'heure une leçon d'humilité ineffable que l'on retiendra pour des années encore.

Dans le noir final, l'on entend à nouveau cette mélodie aux accents russes, dont on ne peut dire si c'est une berceuse ou un chant funèbre. 
La lumière revient, et dans les yeux des acteurs émus comme dans les nôtres, ce sont des larmes de lait qui coulent. 

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