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Jimmy Jamar, 12 Ώρες για την Ελλάδα

από τον Γιάννη Δήμα, φωτογραφία: Oleg Degtiarov/ Newsville.be

Η αγάπη του Jimmy Jamar για την Ελλάδα αποτυπώθηκε στο χαμόγελό του κατα το καλωσόρισμα του κόσμου, στα εγκαίνια της μεγάλης μέρας, καθώς και στη συγκίνησή του, στο κλείσιμο της αυλαίας της μεγάλης για την πατρίδα μας, διοργάνωσης, στο κέντρο της Ευρώπης. Οι “12 Ώρες για την Ελλάδα” μας έφεραν σε αμηχανία. Ένας άνθρωπος από το πουθενά έκανε ότι κανένας μας δεν θα τολμούσε. Έτσι ο Jimmy Jamar με όραμα, δύναμη ψυχής και πολλές ώρες προσωπικής δουλειάς οδήγησε τη συντακτική ομάδα του FACES στο να του αφιερώσει δικαιωματικά όχι μόνο το Cover Story αλλά και όλη την εκτίμηση και αγάπη της για την επιτυχία του δύσκολου αυτού στοιχήματος.

Après la fin de « 12 Heures pour la Grèce »  j’ai une question spontanée pour vous: Qui est Jimmy Jamar? Est-ce un Grec? Un Belge avec une âme grecque? Un fonctionnaire européen qui se bat pour une société juste?
Un mélange de tout ce cela : Je suis Belge, avec une âme grecque. Amoureux de votre pays depuis 45 ans, de ses paysages, de sa musique et de sa littérature. Marié avec une Grecque. Je suis aussi un citoyen qui croit en l’Europe et qui essaye modestement de faire bouger les choses. Enfin, comme vous le suggérez, un fonctionnaire européen qui aspire à un peu plus de justice.

Jimmy, vous avez organisé avec grand succès un événement très important tant pour la communauté hellénique de Belgique que pour la Grèce. Quelle était votre motivation initiale?
12 heures pour la Grèce avait essentiellement pour objectif de montrer un peu de solidarité envers le peuple grec. Je reviens de 10 mois passés dans un pays voisin de la Belgique, où la presse s’emportait chaque jour contre la Grèce et les Grecs, en des termes souvent vifs et  choquants. Cela m’était insupportable. A mon retour en Belgique, le 1er mars,  j’ai vu les reportages d’Athènes en flammes, j’ai vu les files d’attente devant la mairie pour la distribution de nourriture… Je me suis dit simplement que je devais faire quelque chose. Et je me suis lancé, avec beaucoup d’autres. Cette initiative a suscité une adhésion formidable de tous côtés, à commencer par les Halles de Schaerbeek, qui nous ont soutenus dès le début. Puis nous avons eu les artistes, les sponsors, les volontaires, des dizaines de personnes qui se sont organisées en exactement dix semaines ! Un pari fou, mais il fallait le faire.

Quelles étaient les difficultés que vous avez rencontrées durant la période de préparation?
Cela va vous surprendre : aucune ! C’est un projet dans lequel tout le monde a cru, à de très rares exceptions. Nous avons pris des risques, car nous ne savions pas quelle serait la réponse du public. Mais le résultat fut au-delà de nos espérances : près de 1000 personnes durant la journée, pour la lecture d’Homère, plus de 1 000 personnes le soir, pour le concert, où nous avons dû refuser plus de 200 personnes !

Les «12 heures pour la Grèce»: Un événement de solidarité pour la Grèce, un pays qui se trouve dans une profonde crise politique, économique et sociale. Quel est votre avis sur les raisons de la crise Grecque?
En termes purement économiques, la crise semblait inévitable, en raison des erreurs passées et du manque de réformes structurelles. Mais la manière dont la crise a évolué, son ampleur et le désespoir qu’elle suscite aujourd’hui auprès des gens étaient parfaitement évitables. Les hésitations du début ont ouvert toutes grandes les portes aux spéculateurs et aux agences de notation. Le réflexe de solidarité européen n’a pas joué. Mais ce que ceux qui ont refusé la solidarité n’ont pas prévu, c’est que leur manque de vision allait leur revenir comme un boomerang en pleine figure ! Et c’est tout le monde qui subit aujourd’hui un sérieux coup de déprime. La crise grecque est devenue la crise de l’Europe. C’est la première vraie crise identitaire du projet européen.

«12 heures pour la Grèce» au cœur  de l’Europe, au centre des institutions européennes. Quel est le symbolisme de votre choix?
Il fallait faire un signe depuis la capitale de l’Europe. Un signe d’espoir et de solidarité. La population grecque en a besoin. Les gens ont besoin de parler, d’être entendus. Lorsqu’ils ont l’impression qu’on ne les écoute pas, ils se réfugient dans les extrêmes. Il y avait donc inévitablement une forte portée symbolique dans le fait que ce signe vienne de Bruxelles. Mais il s’agissait bien d’un geste citoyen, pas d’une action politique.

L’Europe change vite et ce changement c’est une réalité qui se marque désormais dans les urnes. Vous travaillez pour la Commission Européenne depuis presque vingt ans. Qu’ est-ce qu’il a changé depuis 1994? Le projet européen est à revoir?
Quand on parle de l’Europe on oublie souvent deux choses : d’abord, qu’il s’agit d’un projet, d’un processus, et que ce processus peut aller dans les deux sens : en avant, comme on l’a toujours fait depuis 60 ans, ou en arrière, comme on le ferait sans aucun doute si la Grèce était amenée à quitter l’euro. Nous sommes donc vraiment à la croisée des chemins du processus européen, et nous devons sérieusement nos poser la question : Où voulons-nous aller avec ce processus ? Sur quelles bases ? Avec quelles valeurs? L’autre élément à ne pas oublier est qu’il s’agit du seul processus de ce type qui influence chaque jour la vie de plus de  500 millions de personnes. Je dis toujours qu’on ne fera pas l’Europe sans les citoyens. Puisque l’Europe influence la vie des gens, il est normal que les gens s’interrogent, particulièrement en temps de crise : qu’y a-t-il pour moi là-dedans ? S’ils ne trouvent pas les réponses, ou si nous, au sein des institutions, ne parvenons pas à leur expliquer en quoi l’Europe leur est bénéfique, alors les gens continueront à s’en détourner et à rejoindre les partis populistes et eurosceptiques qui fleurissent un peu partout. Voilà ce qui a changé en 20 ans. Mais cette réflexion, qui est nécessaire, peut aussi être salutaire à long terme : Il faut peut être passer par une crise identitaire pour se reposer la question du sens fondamental du projet européen.

La Grèce et les Grecs. Deux choses différentes? Quel est votre avis ?
Si par «Grèce» vous entendez ceux qui ont gouverné le pays durant les dernières décennies, alors oui, bien sûr, il existe une différence entre la Grèce et les Grecs. C’est précisément ce que je voulais signifier avec cette initiative : on peut blâmer des gouvernements, on ne peut pas blâmer les peuples. Les amalgames ont fait trop de mal à l’Europe tout au long de son histoire. Il faut donc combattre les stéréotypes par tous les moyens. Lorsque j’ai lu, dans un magazine belge, il y a quelques semaines, la description de scènes apocalyptiques, où l’on donnait l’impression qu’Athènes était devenue une ville de junkies ou de pédophiles, j’ai crié : Arrêtez !! Bien sûr, si vous vous baladez chaque jour à 3 heures du matin près d’Omonia, vous allez voir des choses, mais ce n’est pas la Grèce, ce n’est pas toute la Grèce. En Grèce, il y a les gens qui essaient de vivre, qui donnent le change, qui gardent l’espoir, qui tentent de rebâtir le pays. Je ne supporte plus les clichés. D’ailleurs, ce genre de magazines devrait aussi balayer devant sa porte : oubliez Athènes un instant, et promenez vous à 3 heures du matin dans certains quartiers de Bruxelles…

Le concert de Mahairitsas, Savvopoulos, Gravas, et Kazoulis avait beaucoup de succès. Même en Grèce c’est presque impossible d’organiser un tel événement. Deux mots sur leur participation. Qu’est ce que vous gardez en mémoire de ce concert?
Une immense et profonde émotion collective ! J’ai vu les gens pleurer lorsque Gravas a chanté To Perigiali. Et puis toute cette salle debout à la fin du concert des trois chanteurs ! Cela m’a rappelé un concert en 1975 (çà ne me rajeunit pas!) avec Theodorakis, Farandouri et Petros Pandis. Là aussi les gens pleuraient. Les situations ne sont pas comparables – car à l’époque, c’étaient plutôt des larmes de joie. Mais l’émotion le 16 mai était très palpable. Je suis heureux d’avoir pu apporter un peu de bonheur aux gens, et un peu d’argent à l’association que nous avons choisie de soutenir, Hamogelo tou paidiou !

Des centaines de personnes ont participé à la lecture de l’Odyssée. Quelles sont vos impressions sur cette production difficile mais en même temps émouvante?
C’est un projet unique, conçu par une dame fabuleuse de 84 ans, une amoureuse d’Homère, qui est d’ailleurs venue exprès de Californie pour l’événement aux Halles. Découper l’Odyssée en 400 morceaux, faire patienter dans la file étudiants, Ministres, Commissaires européens, journalistes ou artistes, chacun avec son texte, attendant son tour, chacun interprétant son texte avec sa propre passion, était un spectacle émouvant et extraordinaire. Très symbolique aussi ! Nous avions aussi les sons du groupe Liravlos, venu spécialement d’Athènes avec ses instruments reconstitués du temps d’Homère ! Enfin, avoir Pénélope sur scène, qui cousait les vers de l’Odyssée sur une large toile blanche. Je pense que toutes celles et ceux qui ont participé à cette lecture en garderont un souvenir mémorable. Le projet avait déjà été présenté à la Bibliothèque d’Alexandrie, à l’Université de Montevideo et au Musée Getty de Los Angeles. Mais l’atmosphère particulière des Halles de Schaerbeek, et le public très international de Bruxelles a donné à la lecture de Bruxelles une autre dimension. Cet été, le projet sera présenté à l’Hellenic House à Londres, à l’occasion des Jeux Olympiques. L’année prochaine, ils projettent un double marathon Iliade-Odyssée de 24 heures sans interruption sur l’Agora d’Athènes, où le projet n’a jamais encore été présenté !

Pourquoi vous-avez choisi de lire en anglais?
Nous avions des textes en grec, français, néerlandais et anglais. Il nous manquait des lecteurs en anglais. Je me suis proposé.

Faites un vœu pour la Grèce.
J’espère du fond du cœur que les Grecs retrouveront l’espoir. La Grèce a besoin de temps pour mener ses réformes. Il faut arrêter de les pressurer. Les Grecs sont un peuple ingénieux, avec beaucoup de créativité. C’est vrai pour la culture, mais aussi dans toute une série d’autres domaines. Il faut donc du temps, pour ramener l’espoir. Et la vie reprendra son cours, peut-être mieux qu’avant. C’est tout ce que je souhaite !